Les années 90 de William Forsythe en un soir… une griffe à saisir au Théâtre de la Ville
De création en création, la soirée progresse en intensité mécanique à mesure qu’une âme chorégraphique s’affirme. D’un tableau à l’autre, on est épaté par une ligne évolutive toute en cohérence qui n’exclut ni la recherche, ni le dépassement. D’un néo-classique postmoderne hésitant, on arrive d’évidence à l’endroit où la danse, futuriste sans refoulement, ressemble à la mise en corps d’une énergie métallique.
Cette soirée Forsythe s’ouvre avec Second Detail (1991), sur la partition électro entêtante et verticale de Tom Willems. Le décor, ultra épuré, nous immerge dans une blancheur tenace, à peine épicée par les déambulations en gris bleuté de 14 interprètes du Ballet de l’Opéra de Lyon. Les chaises glaciales du fond de scène sur lesquelles se reposent tour à tour les danseurs, confèrent une allure à l’ancienne de jeu de chaises musicales à ce ballet qui se réclame ainsi d’un héritage classique, avant de le propulser à distance. Diagonales, pas de deux, arabesques, grands écarts jetés, pointes… On reconnaît toutes les signatures phares de la danse classique. Mais Forsythe nous amène du plus, du plus loin sans doute, avec des danseurs qui oscillent, en gestes fragiles et saccadés ; avec des danseuses, que des mouvements électriques habitent du bout des ongles jusqu’à la finition carrée de leurs pointes.
Duo(1996) agit en intermède duquel émane une mélancolie non sans douceur. Les deux danseuses apparaissent sur une scène noire et vide, vêtues de noir, d’un simple short et d’un justaucorps transparent. On pourrait se croire en répétition à force de sobriété, à force aussi d’entendre les respirations exagérée ou exutoires de ces deux femmes… Mais la perfection de mouvements millimétrés, ajoutée à la beauté des impressions suscitées, invalide définitivement l’hypothèse. Cette chorégraphie au sol, en l’air et en miroir, est bien réelle, bien fine, et des plus abouties. Si l’on peut se sentir intrus, il faut se laisser aller à la gêne du sentiment car ce Duo déploie la grâce troublante d’un face à face intérieur, intime.
One flat thing, reproduced(2000) clôt cet ensemble tripartite dans une veine métallique où l’énergie des danseurs se voit décuplée. Les corps, seuls malgré leurs confrontations nombreuses, s’ébattent en investissant par la danse, un espace semé de tables rectangulaires qui sonnent comme autant d’obstacles géométriques à l’harmonie. Animés d’un magnétisme violent, les danseurs, colorés, parviennent à danser, à s’imposer dans une fluidité retenue qui scotche, et ce jusqu’à prendre le pouvoir par la fulgurance du geste artiste.
En une soirée donc, ce chorégraphe triomphe à mesure d’une trajectoire où l’énergie métallique va croissante, où le geste, absolu, retient un œil devenu « addict ». Avec William Forsythe, la danse nous prend comme on l’aime, au-delà d’un propos dramaturgique, résolue dans l’émotion.
Christine Sanchez
Du 7 au 10 avril et du 14 au 16 avril 2009, à 20h30
Tarif: de 13,50 à 26 euros
Location : 01 42 74 22 77 ou www.theatredelaville-paris.com*
Théâtre de la Ville
2, place du Châtelet
75004 Paris – Métro Châtelet
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